dimanche 9 octobre 2016

la famille africaine

Guylaine ma filleule homonyme, et la main protectrice de son papa 
Je suis pour quinze jours à Kinshasa, la grande métropole de 12 millions d’habitants.  Je suis accueilli dans une communauté religieuse. Mais voilà que c’est plutôt la vie familiale des Congolais qui me saute à la figure à partir de deux histoires qu’on me raconte et qui montrent les ambiguités crucifiantes des traditions familiales en Afrique.
 On m’avait dit que la famille est une des valeurs essentielles de l’humanité africaine et que celle-ci avait des leçons à donner à l’Europe. Lors du récent Synode sur la famille, les Evêques africains ont mis en exergue les valeurs familiales de l’Afrique alors qu’elles sont de plus en plus laminées en Europe par l’individualisme et les destructurations idéologiques (théories du genre et mariage pour tous, par exemple).
Je crois qu’il faut se battre pour une évangélisation de toutes les cultures familiales et ne pas idéaliser telle ou telle d’entre elles.
Deux histoires au ras du sol africain :
Je me promène avec un confrère prêtre dans le quartier de son couvent quand une veuve de la paroisse nous hèle et nous invite chez elle : devant un verre de bière qu’elle a la gentillesse de nous offrir nous discutons et en arrivons à son histoire familiale et à la grosse rupture qu’a causée la mort subite de son mari alors que ses enfants, adolescents, étaient aux études. Elle est fière de dire qu’avec son petit travail d’infirmière elle a réussi à faire faire des études supérieures à ses trois filles et à son garçon.... « Mais qu’est-ce que j’ai souffert avec ma belle famille » dit-elle avec de l’émotion dans la voix. C’est une coutume congolaise qu’à la mort du conjoint, les frères et sœurs du défunt viennent prendre tous ses biens, sans s’occuper du fait que ceux-ci ont été acquis en communauté conjugale de bien. Ainsi la veuve peut être laissée à la rue avec ses enfants. Dans le cas précis, la famille était relativement aisée puisqu’elle avait une grande concession et même une voiture. Le véhicule ainsi qu’une grande partie des  biens mobiliers et immobiliers ont été pris par la belle famille et la veuve aurait été laissée sans ressources si elle n’avait pas un travail rémunéré... C’est la tradition, derrière laquelle se cache une accusation terrible, si le frère est mort c’est à cause de la belle-sœur... Lorsque, plusieurs années plus tard, la fille de celle-ci veut s’établir, la famille de son père - qui ne s’est pas occupée des études de la nièce - veut participer au partage de la dot qui doit être élevée puisque la fiancée a un bon niveau...
Terrible.
Une autre histoire qui ne l’est pas moins.

Au couvent, un confrère revient d’une cérémonie de deuil. Sa sœur – en fait une cousine - vient de perdre son mari avec qui elle s’est unie l’an dernier et qui est mort dans un accident de moto. La cérémonie s’est déroulée dans des conditions évidemment déchirantes mais derrière : un autre drame. En Afrique il faut toujours trouver une raison au décès de quelqu’un, la mort n’est jamais naturelle, c’est une rupture de la vie, c’est  toujours un drame. Le jeune couple était marié depuis quelques mois mais la jeune femme n’était toujours pas enceinte et on s’inquiétait. Une analyse médicale a révélé que tout était en ordre du côté de la femme et qu’il fallait peut-être examiner le côté masculin. Mais c’est impossible. Le jeune mari poussé par ses proches est plutôt invité à trouver une autre épouse. Qu’il trouve effectivement. Avec cette nouvelle fille, il visite à moto la famille de celle-ci à plusieurs dizaines de km pour s’accorder sur le contrat de ce nouveau mariage. C’est au retour de ce voyage qu’un accident tue les deux jeunes gens... L’histoire est racontée jusque là... mais les non-dits parlent fort.

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