samedi 24 février 2018

la télévision


La télévision est à la fois une joie et une plaie de la vie communautaire en Afrique. Joie de partager avec les villageois les grands matches internationaux ou nationaux. Voir 50 enfants et  jeunes qui se serrent face à l’écran et jubilent à gorges déployées aux buts du Real est une expérience à vivre. Mais cela peut aussi être une plaie lorsque le programme télévisuel devient un bruit de fond dans les activités du soir; la discipline doit être stricte pour ne pas tomber dans la facilité virtuelle.

La plaie des plaies en Afrique reste le vol généralisé, depuis les petites cases de la brousse, jusqu’aux ministères gouvernementaux.

Il y a quelques jours, nous nous réveillons en constatant le vol de notre télévision ! Nous n’en croyons pas nos yeux, que nous frottons de dépit... Cela s’est passé dans la nuit, au cœur de la salle de communauté du cœur de la maison ! La sentinelle n’a rien vu, personne parmi les familiers, les employés, les ouvriers des différents chantiers en activité sur la colline n’avoue, ou n’avoue avoir vu ou ouï quoi que ce soit. Aucun indice, le mystère le plus obscur ...

On répand largement la nouvelle, on parle de la télévision dans les prières et les homélies liturgiques. Rien. Pas le plus petit indice. On se fait une raison en se disant qu’elle a été vendue à prix cassé sur le marché de la ville,que nous aurions dû aller y faire un tour pour la racheter... et que c’est trop tard...

Jusqu’à ce qu’après 4 jours on retrouve l’appareil, dans une brousse derrière une dépendance. Comme elle a passé des jours de pluies violentes au milieu des serpents, des souris et des insectes divers, je désespère de la voir se rallumer.


Or, c’est fait. Charles, notre mécanicien-électricien-factotum, l’a bidouillée miraculeusement et Messi va être présent dans la lucarne pour un but dans l’autre lucarne !

jeudi 22 février 2018

la prière pour le Congo


Il y a des endroits de la terre où il est dangereux de prendre l’évangile au sérieux. C’est le cas de la République démocratique du Congo. Ce pays que j’habite actuellement n’est pas gouverné, mais entre les mains d’autorités prédatrices depuis très longtemps, et illégitimes depuis décembre 2016.
L’Eglise catholique travaille pour qu’un horizon démocratique et juste puisse poindre. Elle est une force morale qui tient le coup alors que tout s’effondre. Elle se trouve donc en conflit frontal avec le pouvoir du président Joseph Kabila.

Les laïcs s’engagent (devant leurs prêtres et leurs évêques) et ont organisé - dans de grandes villes du pays et en particulier dans la capitale Kinshasa - des marches pacifiques pour la justice, certains dimanches après la messe. Mais ces manifestations ont été réprimées dans le sang et les gaz lacrimogènes jusqu’à l’intérieur des églises. Certaines communautés protestantes ont rejoint ce mouvement ; un pasteur influent a dû être exfiltré par la force de paix de l’ONU pour éviter un triste sort après un prêche dévastateur et évangélique...

Devant cette situation politique et sécuritaire qui se dégrade de jour en jour, surtout dans la capitale, le Pape François a invité les catholiques du monde entier à prier et à jeûner le vendredi 23 février pour le Congo (ainsi que pour le Sud-Soudan et la Syrie, deux pays eux aussi en ruines).

Le pape connaît bien le Congo, parce qu’il a, dans son conseil rapproché, le Cardinal Musengwo, Archevêque de Kinshasa, qui est en première ligne de la résistance au pouvoir et qui galvanise les bonnes volontés avec des phrases comme : « Que les médiocres dégagent !» ! Le Nonce (argentin !) est aussi une personnalité courageuse qui compte auprès du Pape.

Au centre du pays, au cœur de la savane tropicale, la Colline que j’habite va vivre cette journée de prière et de jeûne en communauté paroissiale. Pères, postulants, aspirants à la vie religieuse, paroissiens des communautés de base vont se réunir à différents moments... pour implorer le Dieu de la paix de nous aider à construire la justice et la réconciliation sur les ruines, les blessures et les désillusions qui font actuellement ce pays...




vendredi 16 février 2018

trente ans

Je regarde en arrière. Il y a 30 ans, le 17 février 88, j’étais ordonné prêtre à l’Abbaye de Saint-Maurice par Mgr Amédée Grab, évêque auxiliaire à Genève. Merci l’évêque !
Je vais éviter le pathos, mais je suis surpris de la rapidité avec laquelle la vie passe, de la rapidité avec laquelle on passe de jeune à vieux, de jeune prêtre à vieux prêtre (ici en Afrique je suis un très vieux prêtre). C’est la vie et peut-être n’est-ce pas plus mal, surtout si on est content du chemin et de toutes ces rencontres qui lui ont donné de la patine et de l’épaisseur. Merci la vie !
Au jour de mon ordination, je ne les voyais pas ces visages, perdus dans l’opacité du futur, qui ont marqué mon chemin de trente ans :
Je ne voyais pas encore ces collègues étudiants de l’Université de Genève, où l’on suait sur des thèmes latins à la Balzac. Merci Olivier Jornot et Marie Bellenot et les autres...
Je ne voyais pas encore les élèves qui firent semblant d’être éblouis par la culture de leur professeur de latin : merci Guillaume Grand et les autres...
Je ne voyais pas encore les enseignants qui m’ont conquis lors de leur engagement au Collège de Saint-Maurice : merci Dominique Formaz et les autres...
Je ne voyais pas encore les amis de la vallée d’Aspe en Pyrénées, durant le chemin de Compostelle de mon année sabbatique, avec qui on parlait sans fin de l’avenir de l’Eglise. Merci Denise Dessal,  Pierre Moulia et les autres...
Je ne voyais pas encore les dames de Salvan avec qui on priait l’après-midi dans la salle de séjour de la cure. Merci Monique, Edith, Gisèle et les autres...
Je ne voyais pas encore les confrères congolais avec qui j’allais m’enfoncer dans la savane. Merci André, Joseph, Nicolas et les autres...
Je ne voyais pas encore les catéchistes du secteur d’Aigle avec qui nous avons monté une belle liturgie du sacrement de la Réconciliation. Merci Fleurette, Sylvie et les autres...
Je ne voyais pas encore ma famille du KasaÏ. Merci Fernand et Guy-Luisier (Guylaine) Mpiana et les autres...
Je ne voyais pas encore l’enthousiasme de nos réfugiés érythréens à apprendre le français à la Cure de Gilles... Merci Elsa, Bruk, Malaef et Miki Mulegeta.
Tant de visages au bord d’une route de 30 ans !
Comme disent Alidor Kalombo, mon ami de Kananga, et les autres : Merci Dieu !