vendredi 2 février 2018

Jean-Paul Amoos (1942-2018)

Rendre hommage à un fleuve

Le fleuve Lulua au bas de notre Colline

Comment rendre hommage aux torrents des montagnes, aux rivières des vallées, aux fleuves des plaines et aux lents estuaires qui se jettent dans la mer ? Jean-Paul est tout cela pour moi.

Il était professeur de dactylographie au Collège de l’Abbaye, lorsque j’ai croisé son regard pétillant que la lourde vitre de ses lunettes et sa voix grave semblaient dompter. C’était un homme, un prêtre, dont la rencontre en profondeur marque à jamais des jeunes qui doivent se coltiner la vie réelle après des enfances assez protégées. De la neige des hauteurs valaisannes derrière son Venthône, le torrent portait toujours le scintillement simple: pas d’artifice en lui, pas de dogmatisme ou d’intellectualisme mal placés, mais simplement la vie à servir et une foi à partager.

Plus tard, le torrent était devenu une rivière dans les effervescences des multiples activités. A l’internat du collège, c’est à lui que j’ai demandé d’accompagner les germinations de ma vocation. Il m’a laissé très libre de mes choix et après quelques mois, l’ayant retrouvé comme maître des novices à l’Abbaye, je lui sus gré d’avoir toujours respecté les mouvements qui parcouraient mon courant à moi.

La vie l’avait fait particulièrement doué d’une écoute active et bienveillante qui fait la richesse du compagnonage catholique et des communautés religieuses. Ainsi fut-il un Père-maître en même temps qu’un aumônier de collège hors-norme, autant délicat dans l’écoute que déroutant dans des dires à l’emporte-pièce. Il ne nous laissait pas en place. Avec lui il fallait avancer.

Lorsqu’en 1995, notre communauté nous a demandé de prendre en tandem la direction du Lycée-Collège de l’Abbaye, j’avais à mes côtés, dans le prorecteur Jean-Paul, un fleuve dynamique et solide. Les fraternelles discussions qui nous avions ensemble nous ont permis d’affronter tant bien que mal les défis difficiles et passionnants de ce monde scolaire si riche de défis divers.

Il y a des fleuves qui ne se jettent pas à la mer tout d’un coup. Il y a des estuaires de patience, de souffrance, d’endurance, où il faut laisser les eaux de la vie se mélanger lentement à d’autres Eaux... Toujours extrêmement présent à sa communauté abbatiale, dont il a porté des responsabilités jusqu’au bout, Jean-Paul a été, pendant les longues années de lutte contre la maladie et les laminages physiques et psychiques, cet estuaire de persévérance où tout s’élargissait mystérieusement et s’affinait dans le dépouillement et la lenteur.


Comment rendre hommage à un tel fleuve ? En regardant avec plus de lucidité l’Océan qui nous attend au bout de nos rives.

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